Episode 9 : L\\'énigme du cadran solaire et La maison aux fenêtres de papier
Le printemps arrive, l'épisode 9 de FrozenTiVi aussi ! Et comme d'habitude pour ceux qui regardent la vidéo sans le son (et pour que les moteurs de recherche nous trouvent...) en voici le texte !
L'Enigme du Cadran Solaire, de Mary Gentle chez Denoël Lune d'Encre
Dans ce roman ébouriffant, Mary Gentle nous embarque comme bagages à main dans les aventures historiques de Rochefort, espion vieillissant responsable de l'assassinat d'Henri IV, de l'ambassadeur Nihon Saburo et de "Messire" Dariole dans une véritable odyssée à la poursuite d'un homme capable de calculer l'avenir, le très déplaisant Dr Robert Fludd. L'histoire se situe au coeur d'un 17ème siècle extraordiairement documenté, et le talent de Mary Gentle réside dans le fait que bien que totalement improbable, toute cette version de l'histoire et ses personnages finissent par devenir parfaitement vraissemblables (et comme je fais partie des andouilles qui préfèrent souvent la valeur morale de la fiction à celle de la réalité, j'adhère complètement).
Mary Gentle mèle avec brio affaires de moeurs, complots politiques histoire d'amour et d'espionnage sur fond de roman de cape et d'épée, c'est du tonnerre. L'Enigme du Cadran Solaire est un roman complètement démesuré, rocambolesque, écrit dans un style absolument irréprochable (en tous cas, la traduction rend compte d'une très très belle langue), le roman en lui-même relevant carrément de la haute voltige. Mary Gentle parvient à faire passer Rochefort de la scène de cul la plus vulgaire à des considérations stratégiques de portée considérable pour l'avenir du monde, tout en usant du moindre évènement pour influer sur la psychologie de ses personnages, les faires passer de parfaitement detestables à extraordinairement touchants, et tout ça reste de l'action non stop, c'est surprenant tout le temps. C'est génial. Cher (près de 50 euros les deux tomes) mais c'est le genre d'investissement qu'on ne regrette pas : vous allez passer quelques soirées inoubliables avec Rochefort, Dariole et Saburo. Et si vous n'avez pas de sous, faut insister pour vous le faire offrir, ou auprès de votre bibliothèque pour que ces romans rejoignent les rayons.
Et tant que vous y êtes, l' épopée précedente de Mary Gentle, "Le Livre de Cendre" en 4 volumes, est dans la même veine. (pour les douillets du porte monnaie : c'est du poche, en Folio SF, alors vous savez ce qu'il vous reste à faire.)
La maison aux fenêtres de papier de Thomas Day chez Folio SF
Dans une certaine mesure, Thomas Day ressemble un peu à Mary Gentle, mais, disons pour faire court : en plus pop. Scènes trash, perverses qui servent l'intrigue. Culture aux influences diverses remixée sauce Day : une prose puissante, un talent de conteur hors pair, une écriture incisive pour un récit "sans gras" ; un talent certain aussi pour pour les images choc, au point parfois de faire piquer les yeux de son lecteur. Mais les yeux qui piquent, ça vient aussi du fait qu'une fois ouvert, un bouquin signé Day ne se clos pas comme ça... si vous êtes comme nous, vous ne clignerez pas des paupières avant le mot fin.
Chez Thomas Day, donc, pas de gras. Le moindre mot est au service de l'action. De l'action non stop, surprenante, à la fois pleine de références (voire de révérence) et de surprises, bref : jouissive. Et La Maison Aux Fenêtres De Papier ne déroge bien évidemment pas à cette règle, puisqu'en un peu moins de 300 pages vont se succéder 3 histoires liées entre elles, pleines de bruits et de fureur dans des styles aussi directs que dévastateurs, entre la légende, le manga gore et le film d'exploitation.
La maison aux fenêtres de papier commence et se termine avec deux fabuleuses histoires se déroulant dans une Asie ancienne, peut-être médiévale, et dont le souffle épique, simple et puissant nous projette illico dans un univers chimérique, au personnages certes extravagants mais malgré tout si familiers. Pour ceux qui ont déjà lu La Voie du sabre et l'Homme qui voulait tuer l'Empereur, deux précédents et très bons romans de l'écrivain, on retrouve avec plaisir ce Japon de fantaisie...
Comme toujours chez cet auteur, de nombreuses références littéraires et cinématographiques sont citées en fin d'ouvrage et invite le lecteur, que l'on espère aussi curieux que nous, à découvrir les oeuvres indispensables qui ont inspiré Thomas Day. Evidemment sont cités pour ce roman ci les films de Yakusa et les pinku violents des années 1970 , ainsi que le Kill Bill de Quentin Tarantino et les délires cinématographiques de Takeshi Miike. De nombreux films de Fukasaku Kinji, célèbre réalisateur de film noir japonais dont nous ignorions l'existence jusque là, ont aussi joué un grand rôle dans l'atmosphère de cette aventure.
De notre côté on a pensé bien sûr à Sony Chiba, acteur culte du team, tandis que le gore omniprésent et la bestiaire démoniaque n'est pas sans rappeler la saga [Ninja Gaiden] sur Xbox, mais aussi les récents et totalement surprenant The Machine Girl et Tokyo Gore Police. Pour peu que vous aimiez la tripaille, les jets d'hémoglobine et l'humour bien potache, ces films sont faits pour vous !
Toutefois, ne résumons pas ce roman de Thomas Day a une accumulation de mutilations en tout genre, on retrouve dans La Maison aux fenêtres de Papier le souffle épique auquel il nous avait déjà habitué avec Le Trône d'Ebène , la folie toute destructrice de l'Homme Qui Voulait Tuer l'Empereur, avec un petit fond de nostalgie comme dans La Cité des Cranes. Une fois de plus, c'est excellent.